Faire germer les jours d'après

La crise du coronavirus révèle notre vulnérabilité face une production mondialisée qui nous dépossède
localement des biens indispensables à notre santé et même de notre alimentation. Aussi, nous, citoyens et agriculteurs engagés dans Terre de Liens, pensons qu’il faut aller vers une relocalisation massive de notre production alimentaire et enclencher une réelle transition écologique et sociale.

Par Association TERRE DE LIENS 

La crise du coronavirus révèle notre vulnérabilité face à des chaînes de production mondialisées et à un
commerce international en flux tendu qui ne nous permettent pas de fabriquer et de disposer, en cas de choc,
des biens de première nécessité : masques, respirateurs et médicaments, qui manquent cruellement depuis
plusieurs semaines à notre système de santé. C’est vrai également de certaines productions alimentaires, qui
se raréfient après seulement quelques semaines de confinement. Des crises comme celle-ci se reproduiront,
notamment dues au bouleversement climatique en cours à l’échelle planétaire.


Afin de s’y préparer, nous, citoyens et agriculteurs engagés, pensons qu’il faut aller vers une
relocalisation massive des activités de production alimentaire qui permettra d'enclencher une réelle
transition écologique et sociale.


La production agricole en France n’est actuellement pas à la hauteur de cet enjeu. Elle est largement
dépendante d’une main d’œuvre étrangère, souvent sous payée et ne bénéficiant pas de droits élémentaires
des travailleurs (sécurité sociale, chômage, etc.), et cette main d’œuvre manque terriblement depuis la
fermeture des frontières.


L’agriculture française continue à produire majoritairement de manière industrielle, souvent pour les marchés
mondialisés. Et une grande partie de cette production ne sert pas directement à l'alimentation humaine : dans
la filière céréalière française, par exemple, plus de la moitié des récoltes est exportée. Dans ce qui ne l’est
pas, un peu plus du quart (28%) seulement correspond à l’alimentation humaine, près de la moitié (48%) est
destiné à l’alimentation animale (animaux que nous consommons, mais avec un rendement calorique divisé
par 10 environ), et le quart restant dans les biocarburants et les usages industriels.

Partir des besoins du territoire et consolider les filières paysannes, biologiques et solidaires est un
enjeu de taille, dans lequel doivent être mis prioritairement l’argent public et l’énergie collective, citoyenne
et politique. Au niveau communal ou départemental, il est urgent de mettre en place des dispositifs ad hoc,
comme par exemple un Projet Alimentaire Territorial, ou tout autre dispositif à venir, plus efficient encore,
ayant le même objectif) co-construits avec les agriculteur.ices et les autres acteurs de l’alimentation afin de
créer une "économie" circulaire, avec des emplois non délocalisables. La vente en circuit court est
primordiale pour le dynamisme du territoire et de son agriculture. C’est aussi un enjeu de santé publique, via
l’accessibilité alimentaire de produits sains pour toutes et tous. C’est pourquoi nous demandons le retour en
urgence des marchés locaux en France, aménagés de manière appropriée.

Afin de répondre à ces besoins de productions locales, il faudra multiplier par cinq les installations
agricoles dans les années à venir. Il est donc indispensable de préserver et partager le foncier agricole,
dès maintenant. En France, l'équivalent d'un stade de foot (0,8ha) toutes les 6 minutes ou d'un département
moyen (600 000 ha) tous les 8 ans sont perdus, du fait de l’artificialisation des sols. La disparition des terres
fertiles réduit irrémédiablement notre capacité de production agricole, ce qui fragilise notre autonomie
alimentaire, et produit des conséquences écologiques graves (renforcement des inondations, réchauffement
des sols, rétrécissement des niches écologiques de la faune et de la flore sauvage).

Terre de Liens œuvre depuis 15 ans, à son échelle, pour favoriser l’installation de paysans et préserver
les terres agricoles. Grâce à l’épargne citoyenne que Terre de Liens a collectée, 207 fermes ont été sorties
de la spéculation par notre foncière collective, et des milliers d’autres candidat.es à l’installation ont été
accompagné.es par nos 20 associations territoriales. Ensemble, nous expérimentons la voie d’un modèle
agricole local, biologique et solidaire.

L’enjeu de « l’après Covid » n'est pas la relance d'une économie polluante et climaticide. L’occasion nous est
aujourd’hui donnée de s’interroger et de réorienter très profondément les systèmes de production agricoles,
industriels et de services, pour les rendre plus justes socialement et en mesure de satisfaire les besoins
essentiels des populations. Saisissons là. Relocalisons notre alimentation.
Aux côtés des paysans, aux côtés de nos alliés, notamment des associations réunies au sein d’InPACT, le
mouvement Terre de Liens met à disposition des paysans, des citoyens et des élus toutes les compétences et
les savoir-faire dont il dispose.

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