Quand l’AAH stagne, la pauvreté bondit

Fin 2018, 45 % des allocataires de l’AAH étaient pauvres en conditions de vie, révèle une récente étude de la Drees. C’est six points de plus qu’en 2012. Pourquoi ? Sans aucun doute parce que, pendant cette même période, l’AAH a augmenté à peine plus vite que l’inflation. 

Possédez-vous deux paires de chaussures ? Avez-vous un peu d’épargne à disposition ? Ou bien êtes-vous très souvent à découvert ? Ces questions, et bien d’autres, l’Insee les pose régulièrement aux Français.

En effet, la pauvreté ne se mesure pas uniquement avec des indicateurs monétaires (voir encadré ci-dessous). Elle s’appréhende aussi à l’aune des difficultés rencontrées dans la vie quotidienne ou des privations d’éléments du bien-être standard. Ce que les statisticiens appellent la pauvreté en conditions de vie.

Une semaine de vacances par an ?

Les questions de l’Insee portent sur quatre grands domaines. D’abord, les restrictions de consommation : avez-vous les moyens de maintenir votre logement à bonne température, de payer une semaine de vacances une fois par an… ?  Puis les contraintes budgétaires : est-il difficile de couvrir les dépenses avec vos revenus ? Consacrez-vous plus d’un tiers d’entre eux au remboursement de vos crédits… ?

Également concernés, les retards de paiement : n’avez-vous pas pu payer à temps vos factures d’électricité ou d’eau à plusieurs reprises ces 12 derniers mois ? Et votre loyer ? Et enfin, les difficultés de logement : est-il surpeuplé ? Équipé d’un système de chauffage ?

11 % des Français pauvres en conditions de vie, 45 % des bénéficiaires de l’AAH

Un ménage est considéré comme pauvre s’il cumule au moins huit privations ou difficultés parmi les 27 sur lesquelles ils sont interrogés. Et c’était le cas de près d’un bénéficiaire de l’AAH sur deux (45 %) fin 2018, selon une étude de la Drees parue cet été. Quatre fois plus que dans l’ensemble de la population française (11 %). Six ans plus tôt, ils étaient moins nombreux : 39 %.

43 € seulement de plus en six ans

De 2012 à 2018, la pauvreté a donc gagné beaucoup de terrain parmi les allocataires de l’AAH. Ce qui n’a rien d’étonnant. L’Insee a questionné les ménages au dernier trimestre 2018. Soit juste avant que la première revalorisation de l’allocation, décidée par Emmanuel Macron, n’intervienne (le versement des 860 € n’a été effectif qu’en décembre 2018).

Entre fin 2012 (AAH à 776,5 €) et le moment de l’enquête (AAH à 819 €), l’AAH n’avait donc augmenté que de 43 € (+5 %). C’est à peine plus que l’inflation. Et bien moins que l’augmentation de la richesse produite en France (+ 12 %) sur cette même période.

L’AAH à la diète durant le quinquennat de Hollande

À cette explication s’en ajoute une autre, liée à l’évolution de la population des bénéficiaires de l’AAH. En 2018, la part de ceux ayant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 % était plus importante qu’en 2012. Or ils sont plus pauvres que ceux dont le taux d’incapacité est d’au moins 80 % ou plus. Cela impacte, mécaniquement, le taux de pauvreté des allocataires, pris dans leur ensemble.

Mais ce facteur ne joue qu’à la marge. La principale raison de l’aggravation de la situation, c’est bien que le quinquennat de François Hollande (2012-2017) aura été particulièrement douloureux pour le portefeuille des titulaires de l’AAH, puisque leur allocation n’a que très faiblement augmenté durant son mandat.

Un coup de pouce pour l’AAH

Depuis, Emmanuel Macron a revalorisé cette allocation, ce qui va dans le bon sens. Il a porté son montant à 860 € en novembre 2018, puis à 900 €, en novembre 2019.

Mais ce coup de pouce n’a pas profité à tout le monde en raison du changement des paramètres de calcul pour les couples. De plus, la suppression du complément de ressources a également impacté certains bénéficiaires, comme Faire-face.fr l’a expliqué. Il faudra attendre la prochaine enquête de l’Insee pour faire le bilan pauvreté du quinquennat Macron.

Un autre indicateur, la pauvreté monétaire

L’Insee mesure la pauvreté de deux manières différentes. Il y a la pauvreté en conditions de vie. Mais aussi la pauvreté monétaire : un individu est considéré comme pauvre lorsqu’il vit dans un ménage dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Ce dernier était égal, en 2018, à 60 % du niveau de vie médian, soit 1 063 € par mois en France. Mais, pas de comparaison possible sur la même année avec les allocataires de l’AAH, les derniers calculs portant sur leur pauvreté monétaire, remontant à… 2012.

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