Véhicules aménagés qui n’ont plus le droit de rouler

De nombreux propriétaires de véhicules aménagés pour pouvoir transporter une personne en fauteuil roulant ont du souci à se faire. Il n’est désormais plus possible d’obtenir un avis favorable du contrôle technique si la carte grise ne comporte pas la mention handicap. Or, sans ce précieux sésame, interdiction de circuler.

Pierre Émeriau a failli être confiné après le confinement ! Depuis le mois de juin, ce conducteur tétraplégique ne devrait plus pouvoir utiliser sa voiture aménagée. Son van n’a en effet pas obtenu le feu vert du centre de contrôle technique.

« Pour une raison purement administrative », précise Pierre. Son certificat d’immatriculation – la carte grise – ne porte pas l’indication handicap. Or, elle est obligatoire dès lors que le véhicule a été aménagé pour transporter une personne en fauteuil roulant.

Vérification renforcée

Le certificat d’immatriculation doit être en règle.
Cette mention est censée « garantir la bonne conformité de la transformation notable du véhicule », indique le ministère de l’Intérieur. L’obligation de l’inscrire sur le certificat d’immatriculation existe de longue date.

Mais la vérification qu’elle y figure bien « a été renforcée depuis la réforme portant sur le contrôle technique de mai 2018 », poursuit le ministère. Depuis, son absence est considérée comme un « point de défaillance majeur ».

Un épais dossier à préparer
Pierre Émeriau est donc reparti du centre de contrôle technique avec une attestation provisoire, valable deux mois. Il disposait de ce délai pour faire corriger son certificat d’immatriculation.

Mais obtenir cette fameuse mention handicap n’est pas une mince affaire. Il faut en effet fournir à la Dréal – la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, différents documents techniques, à récupérer auprès de l’aménageur. Puis se rendre sur place pour faire contrôler le véhicule.

Trois contrôles techniques en six mois
Pierre Émeriau a obtenu un rendez-vous début novembre. Soit près de six mois après son premier contrôle technique, facturé 65 €. « Depuis, pour pouvoir rouler sans m’exposer à une amende, j’ai dû en repasser un tous les deux mois ! » Avec les 89 € qu’il va devoir payer de frais à la Dreal, cela commence à faire cher.

Pas d’archives, pas de régularisation
Et encore, lui ne s’en sort pas trop mal car il va pouvoir régulariser sa situation. Cette lectrice de Faire-face.fr a la malchance de posséder un véhicule aménagé il y a plus de 15 ans par la Somac. « Renault Tech, qui a pris le relais de cette société, me répond qu’ils ne peuvent pas fournir les documents demandés car ils n’ont pas d’archives au delà de cinq ans », explique-t-elle.

Une dérogation grâce à un député
Depuis plus d’un an, le véhicule, avec lequel se déplaçait sa mère désormais décédée, est immobilisé. « Sans contrôle technique, il est invendable alors qu’il pourrait être utile à une personne en fauteuil », précise cette lectrice.

En dernier recours, elle a sollicité l’intervention de son député. Et pourrait, grâce à lui, bénéficier d’une dérogation pour une “homologation” simplifiée par la Dreal.

Certains contrôleurs plus arrangeants
D’autres ont trouvé des contrôleurs techniques compréhensifs. Tant mieux pour eux. Mais ces petits arrangements, bienvenus, ne règlent pas le problème de fond de propriétaires dans l’impossibilité de monter un dossier Dréal, qu’ils aient acheté leur véhicule d’occasion, à l’étranger… ou bien que leur aménageur n’existe plus.

Adhérent en Loire-Atlantique, Pierre a pris contact avec la Délégation APF France handicap 44 qui a contacté les médias pour que sa situation soit prise en compte par les pouvoirs publics le plus rapidement possible. Il a été accompagné dans ses démarches par Jean-Pierre Chambon, référent accessibilité, et Marc Vérove, représentant régional des Pays de la Loire. Il a pu également exposé sa situation au service accessibilité d'APF France handicap en Loire-Atlantique. 

APF France handicap a donc saisi la délégation ministérielle à l’accessibilité. Celle-ci va organiser, en novembre, une réunion avec les deux directions concernées du ministère de la Transition écologique. L’objectif est de trouver une issue à cet imbroglio administratif qui prend au piège des centaines de personnes. Mais il faudra sans doute encore patienter quelques mois…

Galère aussi pour les postes de conduite adaptés

La mention handicap n’est obligatoire que pour les véhicules aménagés pour le transport d’une personne dans son fauteuil roulant. Qu’elle soit le passager ou, plus rarement, le conducteur, comme Pierre Émeriau. Cela ne concerne pas les postes de conduite adaptés.

« Mais nous avons des appels quotidiens de personnes dont la voiture a été refusée en contrôle technique. Car ces adaptations interfèrent avec la listes des points de contrôle obligatoires », précise Pascal Candotto, le directeur général d’A.C.A, un important aménageur.

« Les pouvoirs publics doivent adopter des dispositifs dérogatoires d’urgence, poursuit-il. Et, parallèlement, il faut créer un groupe de travail chargé de régler le problème au fond. Je souhaite qu’on mette en place une procédure de contrôle des aménagements par des professionnels qualifiés qui délivreraient une attestation de conformité. »

 

Depuis Pierre Emeriau continue de se battre pour que les nouvelles normes s'adaptent aux personnes en situation de handicap ayant un véhicule aménagé. Il est soutenu dans ses démarches par la Délégation de Loire-Atlantique qui lui prodigue conseils et soutien. La situation de Pierre est suivie de près par notre service accessibilité et nous continuons à communiquer très largement sur le sujet. 

N'hésitez pas à relayer cet article. Si vous connaissez le même problème, vous pouvez contacter APF France handicap en Loire-Atlantique (02.51.80.68.00). Ce n'est qu'ensemble que nous pourrons changer les choses !

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