Cet été, Nantes a cultivé 25 tonnes de légumes pour les plus démunis

Pendant le confinement, la Ville a eu l’idée de cultiver des légumes frais dans ses espaces verts, redistribués par les assos pour les plus démunis. Et l’expérience « Paysage nourriciers » a porté ses fruits…

Il y a des projets impulsés par les élus, mais celui-ci est né dans la tête de l’équipe des espaces verts. L’origine des paysages nourriciers, Johanna Rolland s’en amuse encore : En plein confinement, je croise Romaric Perrocheau dans les couloirs. Moi je pensais masques, masques et encore masques… Et il me lance : et si on mettait des courges en ville ? J’ai mis dix secondes à connecter !, rigole la maire de Nantes.

Les pépinières municipales et 52 sites transformés en potagers

Le directeur du Seve se souvient très bien du déclic : C’était le 10 mai, on venait de me raconter qu’à Dompierre-sur-Yon, en Vendée, la mairie avait cultivé des mogettes pour ses habitants. Alors nous, premier service espace vert de France en taille, une des rares villes à disposer de notre propre pépinière, on pouvait bien faire quelque chose ! ».

Deux jours plus tard, les premières graines de tomates étaient plantées. Un défi de rapidité, souligne Johanna Rolland, pour un projet né dans l’urgence de la crise. La pandémie, on le sait, a entraîné un accroissement de la précarité. Or, 61 % des personnes ayant des difficultés se limitent d’abord en fruits et légumes.

« Avec le coronavirus et l’arrêt des transports, on n’avait plus que des produits secs pour nos bénéficiaires »

Avec le coronavirus et l’arrêt des transports, on n’avait plus que des produits secs, les légumes frais n’étaient plus disponibles, raconte le président de la Banque alimentaire 44, Gérard Gueglio. Alors, en juin, pour fournir les associations, 250 agents de la Ville aidés de bénévoles d’EmpowerNantes ont planté des pommes de terre et des courges, dans la pépinière nord et la pépinière municipale du Grand Blottereau, et des légumes plutôt d’été, au niveau de 52 petits sites potagers disséminés dans la ville. La récolte sur ces 2,5 ha s’est faite de juillet à octobre, avec l’aide d’une trentaine d’assos locales et des habitants. Et, malgré les plantations plutôt tardives, les 10 000 pieds ont donné près de 25 tonnes de légumes.

On a choisi de distribuer les légumes d’été aux associations de quartiers, qui étaient en demande : chacune avait une parcelle attribuée, souligne Catherine Daviaud, responsable du volet social du projet au CCAS. Une dernière distribution sera organisée la première quinzaine de novembre. Le reste des légumes d’automne sera remis à la Banque alimentaire, au Secours populaire, aux Restos du cœur et au diaconat protestant.

Expérience reconduite l’an prochain

À l’heure du bilan, le défi a été relevé, sourit la maire. Quand on voit les 2 500 familles bénéficiaires, on se dit que notre objectif est atteint.

L’expérience sera-t-elle rééditée ? Bien sûr que oui, répond Johanna Rolland. Nous allons faire évoluer l’organisation en fonction des retours d’expériences, mais les paysages nourriciers vont continuer.

Un vrai lien créé, bien au-delà de la nourriture

Une trentaine d’associations ont participé à l’aventure des « Paysages nourriciers ». Parmi elles, l’association nantaise d’aide familiale Anadom, qui accompagne à domicile près de 3 000 personnes en situation précaire. À l’origine, le projet de la Ville répondait à la difficulté des familles d’accéder à des fruits et légumes, raconte Stéphanie le Goff, chargée de développement de projets collaboratifs pour l’asso. Mais finalement l’expérience a créé un vrai lien, bien au-delà de la nourriture.

Stéphanie le Goff, chargée de développement de projets collaboratifs à l’Association nantaise d’aide familiale. | PHOTO PRESSE OCÉAN-OLIVIER LANRIVAIN

Anadom propose surtout de l’accompagnement individuel. Là, nous sommes venus sur site, tous les mardis matin, avec une vingtaine de familles. L’asso partageait une parcelle de terre avec une autre association devant le château du Grand-Blottereau. Les enfants sont venus avec leurs parents ramasser les légumes et ont découvert comment ça poussait. Nous offrons aux usagers un accompagnement à la parentalité. Nos professionnels ont ainsi travaillé sur les recettes avec eux. Ensemble, ils ont appris à cuisiner les récoltes.

Dans le cadre des distributions, certains ont découvert les cardes ou les choux-raves. On s’assurait toujours que les gens en fassent bon usage, en glissant des conseils de préparation, sourit Catherine Daviaud, du CCAS.

Claire Mamet, de l’association G-xiste, qui met une maison à disposition de trois femmes en difficulté, quartier Doulon, revient aussi sur cette expérience enrichissante : On a été très intéressées par cette initiative : on a fait une très belle récolte après quelques semaines et nous avons appris plein de choses sur les légumes. Les trois personnes que nous accompagnons se servaient en fonction de leur besoin ».

La Ville a ici fait le pari de la citoyenneté nantaiseBien sûr, il aurait pu y avoir des abus, souffle Johanna Rolland. Mais on s’est dit, si quelqu’un chipe quelques légumes, après tout, ce serait pour quelle raison ? D’ailleurs, les choses se sont très bien passées.

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