Aide à domicile : chronique d’un oubli qui va coûter cher

Dafna Mouchenik, présidente du SYNERPA Domicile (syndicat national des maisons de retraite privées, résidences Services Seniors, services d’aide à domicile), demande une grande réforme des Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile.

En France, plus de la moitié des personnes âgées en perte d’autonomie vivent encore chez elles et c’est en grande partie grâce aux 230 000 auxiliaires de vie salariées des Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile (SAAD). Quand tout le pays s’est mis à l’arrêt, les salariés de l’aide à domicile ont continué à se rendre quotidiennement de maison en maison pour aider les personnes les plus vulnérables à réaliser les gestes essentiels de la vie quotidienne : se lever, se laver, s’habiller, se préparer et prendre les repas.

 

Oubliés

Pourtant, durant toute la crise, les professionnels de l’aide à domicile n’ont cessé d’être oubliés. Oubliés en mars, lorsqu’ils ont dû continuer à travailler en première ligne sans équipements de protection. Oubliés jusqu’au 4 août, quand le président de la République a enfin annoncé que les départements verseraient à ces salariés une prime COVID, après tous les autres secteurs. Malheureusement, aujourd’hui tous les départements ne se sont pas engagés et ceux qui le sont, versent des montants différents.

 

Oubliés encore depuis le 30 septembre, lorsque les distributions de masques chirurgicaux en direction des Services d’Aide à Domicile via le stock de l’État ont été stoppées, sans compensation financière des surcoûts.. Les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile payent aujourd’hui sur leurs fonds propres tout le matériel de protection (masques, charlottes, blouses, gants, sur-chaussures, gel hydroalcoolique) indispensable pour intervenir auprès des personnes infectées. Nos entreprises ne résisteront pas longtemps à cette situation.

Outre l’enjeu sanitaire, qui est primordial et oblige les employeurs à redoubler d’inventivité et d’efforts pour protéger leurs salariés, cette absence de considération de l’aide à domicile est problématique d’un point de vue économique. Elle empêche le développement d’une filière au potentiel d’emplois très important.

 

300 000 emplois 2030

Les personnes de plus de 60 ans représentent un quart de la population. D’ici 2050, elles représenteront, selon l’Insee, un tiers de la population. Une grande majorité de ces personnes souhaitent pouvoir vieillir chez elles. Il y a un grand paradoxe de la part des pouvoirs publics à affirmer sans cesse qu’ils veulent répondre au souhait d’une majorité de Français de vieillir à domicile, alors qu’ils ignorent constamment le secteur de l’aide à domicile et ne lui donnent pas les moyens de sa pérennité et de son développement.

 

Les Ehpad ont eu droit au début des années 2000 à leur grande réforme. Il est temps que les Services d’Aide et d’Accompagnement à Domicile connaissent la leur : cela implique de revoir l’organisation des services d’aide et de soins et de définir un mode de tarification qui cesse d’être anti-économique.

Lorsque nous sortirons de la crise sanitaire, nous devrons affronter la crise économique. Ne freinons pas le développement du secteur de l’aide à domicile, alors que l’ensemble de la filière Grand Âge devrait créer 300 000 emplois en 2030.

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