Le Sénat vote en faveur de l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés

Victoire au Sénat !

La proposition de loi vise à assurer une plus grande indépendance financière des personnes en situation de handicap. Le gouvernement s’y est, une nouvelle fois, opposé. Et la majorité reviendra dessus en deuxième lecture à l’Assemblée.

Libération, 10/03/2021

Sans surprise, et malgré l’opposition réitérée du gouvernement, les sénateurs ont voté ce mardi en première lecture en faveur de l’individualisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). Une mesure inscrite dans la proposition de loi «portant diverses mesures de justice sociale». La chambre haute s’est ainsi prononcée pour la prise en compte des seuls revenus des allocataires de ce minimum social, excluant ainsi ceux de leurs conjoints. D’un montant maximal de 902 euros par mois, l’AAH décroît aujourd’hui en fonction des ressources du foyer, jusqu’à atteindre zéro si le partenaire de l’allocataire gagne plus de 2 270 euros par mois. Un système qui renforce les situations de dépendance économique et accroît les risques de violences conjugales des citoyens (et citoyennes en particulier), dénoncent depuis des années les associations.

La proposition n’est pas neuve. En 2019 déjà, les députés avaient examiné un texte en faveur de l’individualisation de l’AAH, qu’ils avaient retoqué. En février 2020 en revanche, la proposition de loi a été adoptée à l’Assemblée, à la surprise générale, faute de forces LREM en présence. Chaque fois, le gouvernement a rappelé son opposition. Rebelote, donc, ce mardi, Sophie Cluzel, la secrétaire d’Etat aux Personnes handicapées, estimant que cette mesure «vient remettre en cause le cœur de nos principes de solidarité et de redistribution». Et de poursuivre : «Le fait que la solidarité nationale s’appuie sur la solidarité familiale pour adapter son soutien aux personnes précaires constitue la base même de notre système socio-fiscal. Un système où le foyer est considéré comme la cellule protectrice, dans l’esprit même du code civil qui consacre la solidarité entre époux».

1,2 million de personnes touchent l’AAH, dont 270 000 sont en couple. Cela représente une dépense annuelle d’environ 11 milliards d’euros pour l’Etat. Le gouvernement n’a eu de cesse d’affirmer que la réforme ferait trop de perdants parmi les allocataires actuels, quand bien même aucune étude d’impact n’ait été menée en amont de l’examen du texte. La secrétaire d’Etat avait pourtant déclaré en février 2020 devant l’Assemblée : «Je m’engage devant vous tous dans cet hémicycle à vous présenter d’ici à juin un rapport très circonstancié sur les perdants et les gagnants». Rapport qui n’a donc jamais vu le jour.

Ce mardi devant le Sénat, Sophie Cluzel a cette fois proposé le lancement d’une «mission» afin de faire le point sur les différents dispositifs dédiés aux personnes handicapées, estimant que «ces réflexions nécessitent un temps plus long que celui offert par le débat parlementaire». Temps que les sénateurs ont donc choisi de ne pas prendre. Mais l’affaire est loin d’être réglée. La proposition de loi doit repartir en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, où les députés LREM pourraient se montrer plus assidus que l’an passé.

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