Aide et soins à domicile : Pierre parle de "drames" à venir

Depuis des mois, les métiers de l’aide à domicile sont en crise. Face à l’inaction du gouvernement et la grande détresse des personnes concernées, APF France handicap et l’AFM-Téléthon alertent en Loire-Atlantique. Témoignage de Pierre Emeriau, 32 ans. 

"Je vis de l’aide à domicile depuis 2009. J’ai des auxiliaires de vie, des kinésithérapeutes, des infirmiers qui passent. Aujourd’hui, ils n’ont plus de remplaçants. Quand mes kinés sont en vacances, je n’ai plus personne. C’est la même chose pour les aides à domicile.

Dès qu’il y a un arrêt, ce sont mes parents qui sont obligés de faire les actes du quotidien. 

Je dois avoir 220 heures d’aide par mois mais j’en suis à 180 environ. Et je ne compte pas toutes celles que mes parents font. Avant, j'étais suivi uniquement par une association. A partir de 2018, il a fallu que je trouve une entreprise d’aide à domicile pour pallier la pénurie de personnel. J’ai un reste à charge de 10 euros par heure.

L’association qui me suit m’a aussi fait savoir qu’ils arrêtaient certains actes. Soi-disant leur personnel n’est pas formé pour les actes du quotidien dont j’ai besoin, ou n’a pas le droit de les faire. Me donner des médicaments, des suppositoires... Il faudrait qu’un infirmier vienne 4 fois par jour ? Cela me met dans une situation extrêmement difficile, pour ne pas être vulgaire...

On ne sait jamais si on va avoir du personnel demain.

Et les gens sont de moins en moins motivés à venir au travail. C’est catastrophique. Certains n’ont pas de savoir-vivre, de savoir-être. Il y a une telle pénurie qu’ils embauchent n’importe qui. Parfois, on oublie de me fermer ma poche, mes parents doivent repasser derrière...

Mes parents aimeraient partir en vacances. Mais on a les horaires de passage la veille pour le lendemain. Donc ils ne peuvent pas se projeter et avoir une vie à côté.

Il y a des weekends, des semaines, où je n’ai personne pour me lever ou me coucher. Heureusement que j’ai mes parents, mais ils n’en peuvent plus. D’autres n’ont pas cette chance. Certains sont obligés d’aller à l’hôpital parce qu’ils n’ont pas de solution. 

Je crois qu’il va arriver des drames. 40% des aidants meurent avant les aidés. Si on continue à ce rythme, on va atteindre les 80%. Mes parents par exemple vont avoir 60 ans. Ils sont fatigués, usés, ils n’ont plus la force de se battre. Moi qui veux vivre à domicile, je suis inquiet. On a un couteau sous la gorge. Si demain j’ai besoin de plus d’aide, comment je fais ? Une assistance 24h/24h, c’est 22000 euros par mois. Le prix des services augmente d’année en année, mais il y a de moins en moins de services.

Je me sens abandonné. L’Etat n’en a rien à faire. On est la dernière roue du carrosse. On n’arrive pas à se faire entendre. J'en suis rendu à me plaindre au département. Je me bataille pour moi et pour les autres. Les associations qui reçoivent des subventions doivent pouvoir en justifier.

Je veux alerter tant que je peux, mais je suis épuisé."

 

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